Travail soigné de P. Lemaître

21 septembre 2016

Verhoeven, tome 1

Source: Externe

"Il y a eu meurtre à Courbevoie...". Message bien laconique pour un crime aussi épouvantable. Camille Verhoeven comprend très vite que dans cette affaire les explications rationnelles seront inopérantes. Et il a raison. Parce que les crimes illogiques, horribles, gratuits, vont se succéder, que la presse va très vite se déchaîner contre la "méthode Verhoeven", que le juge Deschamps, le Parquet, le ministre lui-même, n'auront de cesse de le dessaisir de l'affaire pour manquements à la discipline.

Et parce que Camille Verhoeven va formuler une hypothèse... à laquelle personne ne veut croire. Une hypothèse hors normes. Camille a beau y être habitué, ça agace. Et il va bientôt se retrouver seul face à un assassin qui semble avoir tout compris, tout prévu, tout manipulé. Jusqu'au moindre détail. Jusqu'à la vie même de Camille qui n'échappera pas au spectacle terrible que le tueur a pris tant de soin à organiser dans les règles de l'art.

J'avais hâte de retrouver la plume de Pierre Lemaître.

J'ai donc replonger dans l'univers thriller de Lemaître. Sa plume est toujours efficace et pleine de suspense. Le déroulement de l'enquête est basique mais marche bien.

Ce premier tome permet d'introduire Camille Verhoeven, le héros de la tétralogie au physique et à la personnalité atypique. Plusieurs passages sont axés sur sa vie personnelle et j'ai beaucoup aimé le découvrir autant dès les premiers chapitres : on s'attache tout de suite à cet homme au quotidien banal. Même si j'aime beaucoup les flics torturés, j'avoue que parfois, des Monsieur-(presque)-tout-le-monde sont aussi appréciables. Je suis d'ailleurs ravie de savoir que l'auteur a choisi Camille comme personnage récurrent sur trois autres titres.

Les personnages secondaires sont aussi sympathiques à suivre, quoique tout de même moins développés.

C'est l'intrigue qui sera, pour moi, le point fort de ce roman. Je ne veux pas trop vous en dévoiler car finalement, Camille et ses collègues ne comprenne pas tout de suite où le meurtrier veut en venir mais sachez juste que je trouve l'idée géniale et plutôt originale. Les scènes de meurtres sont décrites avec des détails qui raviront les fans d'hémoglobine mais tout en restant relativement soft et rapide.

L'identité du coupable ainsi que le mobile sont également bien trouvés, je n'avais pas deviné. Le dénouement est une réussite : du suspense sans oublier la cohérence sans rebondissements rocambolesques. L'épilogue est efficace, il conclut parfaitement cette enquête.

Robe de marié restera (en tout cas pour l'instant) un cran au-dessus car le rythme de lecture est beaucoup plus soutenu et que le côté psychologique en fait un thriller parfait mais je dois avouer que Pierre Lemaître a vraiment un don pour tisser des histoires machiavéliques.

(SPOILER : Petit aparté, un passage m'a fait sourire et je pense que certain(e)s d'entre vous comprendront : «La liste fournie par Fabien Ballenger comportait 120 titres de roman. […] Cent vingt ! Tapés sur deux colonnes, il y avait là de la lecture pour, combien ? Deux ans, trois peut-être.» … Comment dire... J'ai déjà lu 115 romans en 2016 et nous ne sommes pas encore en octobre !)

En bref, c'est un premier tome qui décrit parfaitement bien son héros Camille Verhaeren. Malgré tout, Pierre Lemaître n'oublie pas de nous proposer une enquête fouillée, cohérente et terriblement bien menée : la complexité de l'histoire est à la hauteur (si j'ose dire...) de l'attachement que l'on ressent pour Camille.

Ce roman me permet de participer au challenge gourmand, l'eau : «Il s'avança, sous le regard des autres, jusqu'à la fontaine d'eau et but, coup sur coup, deux verres d'eau glacée, puis revint s'asseoir près de Bergeret.»