Ces rêves qu'on piétine de S. Spitzer
Allemagne, avril 1945. Les parcours croisés de Magda Goebbels, femme la plus puissante du IIIe Reich, et d'Ava, trois ans, enfant du KZ-Bordell d'Auschwitz. Tandis que les alliés progressent, la première s'enfonce dans l'abîme de la folie nazie et la seconde, miraculée de l'horreur, tente d'échapper à son destin.
Je commence à ne plus du tout être surprenante avec mes lectures sur la Seconde Guerre Mondiale... Mais je crois que mon obsession pour cette période historique ne fait qu'empirer !
Sébastien Spitzer nous plonge directement au cœur de l'horreur en nous présentant Aimé, un prisonnier des S.S. qui les mènent vers les camps de concentration. Nous découvrirons ensuite Magda, une des femmes, si ce n'est la plus connue, du IIIe Reich. Ces chapitres en alternance sont assez perturbants, notamment lorsque les sentiments se mélangent et lorsque les moments d'espoir viennent des personnages les plus abîmés par la vie.
Le mépris, le dégoût de soi, ça vous met l'âme en morceaux. Une marmelade d'orgueil mélangé au remords. Mais il y a pire encore. Le blâme et l'opprobre au sein des prisonniers, le refus de la solidarité quand tout se tient là. Le dos tourné des survivants est bien plus douloureux que le mal des bourreaux. L'injustice altère. L'ignominie réduit. La soumission gangrène.
Les préjugés de la littérature contemporaine sont regroupés dans ce premier roman. L'écriture de l'auteur est riche, dense et travaillée, qualités qui peuvent malheureusement rendre le récit peu accessible aux premiers abords. Malgré tout, le lecteur s'attache très vite aux personnages et veut connaître le dénouement de ces destins croisés.
En ouvrant ce livre, c'est Magda Goebbels qui m'intriguait le plus. La vie dans les camps de concentration est bien sûr horrible mais le sujet a été maintes fois abordé et pour une lectrice assidue de cette période, il peut paraître assez redondant. Les représentants du régime nazi sont beaucoup plus tabous et les points de vue les concernant très rares : j'ai apprécié que Sébastien Spitzer prenne ce risque, surtout pour un premier roman. Magda est une figure féminine de la Seconde Guerre Mondiale qui reste marquante pour moi, notamment à cause du fameux "meurtre" de ses cinq enfants.
Apprendre à étouffer ses doutes, les jeter, s'en débarrasser. Le poids des morts est un fardeau. Les doutes détruisent. Les certitudes élèvent. Les ambitions, la volonté, la force et le courage font la grandeur. Le doute est une mort lente, un épuisement de la race. Il y aura une victoire ou une chute. Mais pas de renoncement.
Comme d'habitude lorsque je parle de cette époque, entendons-nous bien : je n'excuse ni ne minimise les actes commis mais je trouve important d'avoir le point de vue des deux parties, une vision globale de l'ambiance et de la vie à ce moment donné de l'Histoire.
Magda sait qu'il n'y a pas d'Histoire. Il n'y a que des victoires et des défaites, les récits des vainqueurs et l'oubli des vaincus.
J'ai été agréablement surprise de trouver un semblant d'intrigue dans cette lecture, intrigue qui va relier les deux points de vue pourtant si éloignés à la base. Le parti pris de l'auteur est intéressant et vraiment original : le travail de recherche est conséquent et donne envie de se pencher encore plus sur la question de l'ascendance de Magda Goebbels.
Le thème qui pourrait être plombant est finalement assez captivant. Le personnage d'Ava y est pour beaucoup, sa naïveté et sa joie de vivre malgré les avènements amènent un peu de pep's, surtout dans la dernière partie avec Lee, la journaliste de guerre américaine.
Je déplore seulement une fin assez abrupte, sans réel dénouement sur la fameuse intrigue qui tient le lecteur depuis le début : j'aurai aimé que l'auteur se détache peut-être un peu des faits historiques pour nous proposer une fiction mettant Magda face à la vérité...
En bref, c'est un premier roman avec énormément de potentiel et un vrai risque pris par l'auteur. Les férus de la Seconde Guerre Mondiale seront ravis de découvrir un point de vue atypique qui reprend tout de même un fait marquant de la fin du IIIe Reich. Le style de l'auteur pourra refroidir dans les premières pages mais son travail mérite que l'on persévère.
J'ai lu ce roman grâce aux Matchs de la Rentrée Littéraire de Price Ministers et aux éditions de l'Observatoire que je remercie.
Ce roman me permet de participer au challenge Big Bang Littéraire #2, One-shot
au challenge Lire sous la contrainte : Apostrophe
et au challenge Des gages ta PAL ! #9 pour les catégories "Auteur français", "Plus de 16/20 sur Livraddict", "Auteur dont le nom comporte plus de 6 lettres" et "Couverture en noir et blanc".
Pour aller plus loin : La bibliographie de l'auteure
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