Le diable, tout le temps de D. R. Pollock
De l'Ohio à la Virginie-Occidentale, de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années 60, les destins de plusieurs personnages se mêlent et s'entrechoquent.
Williard Russell, rescapé de l'enfer du Pacifique, revient au pays hanté par des visions d'horreur. Lorsque sa femme Charlotte tombe gravement malade, il est prêt à tout pour la sauver, même s'il ne doit rien épargner à son fils, Arvin.
Carl et Sandy Henderson forment un couple étrange qui écume les routes et enlève de jeunes auto-stoppeurs qui connaîtront un sort funeste.
Roy, un prédicateur convaincu qu'il a le pouvoir de réveiller les morts, et son acolyte Théodore, un musicien en fauteuil roulant, vont de ville en ville, fuyant la loi et leur passé.
Ce titre a une histoire un peu particulière : il a traîné un bon moment dans ma PAL avant que je me décide à m'en séparer... pour finalement l'emprunter à la médiathèque quelques mois plus tard.
La plume de l'auteur m'a complètement happée, c'est le mot. Dès les premières lignes, j'ai su que j'allais dévorer ce roman : pourtant, il n'y a rien d'extraordinaire mise à part une écriture dure, parfois violente et crue. Donald Pollock n'épargne pas le lecteur, il le plonge dans une ambiance sombre, dirigée par la religion.
C'est d'ailleurs assez surprenant que j'ai autant accroché malgré cette foi omniprésente qui dicte la vie des personnages.
Des personnages, eux aussi, bruts. Certains disent caricaturaux... Je pense qu'il y a tout de même une grande part de vérité et de véracité dans les portraits des protagonistes sortis tout droit de l'Amérique profonde et prude des années 60.
Je me suis beaucoup attachée à Arvin. C'est le personnage que l'on suit de son enfance à sa vie adulte, celui que l'on voit évoluer dans ce contexte horrible. C'est celui qui touche plus que les autres.
Les parties alternent entre les différentes familles sans que le lien se fasse. On sent bien que quelque chose les rattache tous les uns aux autres mais cela reste très flou jusqu'au derniers tiers qui rassemblent les indices et créent une toile presque diabolique.
La question du Destin est clairement posée même si cela reste subtil : peut-on réellement évoluer suite à des épreuves atroces dans son enfance ? Peut-on vraiment se détacher de ses racines ? Mais surtout, dans ce roman, la question majeure est : Peut-on échapper à ce que L'on a prévu pour nous ? Vous savez que je ne suis absolument pas croyante et que ce genre de question ne me parle pas spécialement. Pourtant, l'auteur arrive, avec brio, à titiller notre conscience et à faire réfléchir sur un sujet quelque peu tabou. La religion est présente à chaque page, allant parfois jusqu'au fanatisme dangereux.
Le dénouement est inévitable, comme la réponse aux fameuses questions ci-dessus : cela devait se produire, quoiqu'il arrive. Cela m'a d'ailleurs fait penser à Mauvaise étoile de R.J. Ellory qui m'a laissé la même impression de fatalisme et d'impuissance.
En bref, il y a des livres qui nous marquent, sans vraiment que l'on comprenne pourquoi... et c'est le cas du Diable, tout le temps. Donald Ray Pollock a une écriture percutante qui ne pourra que frapper le lecteur dès les premières lignes pour ne le lâcher qu'au dernier mot. Un roman qui ne plaira peut-être pas à tout le monde mais qui ne laissera clairement pas indifférent.
Ce roman me permet de participer au challenge Un mot, des titres pour le mot «Tout».
Pour aller plus loin : La bibliographie de l'auteur
Dispo en poche chez Le livre de Poche
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